De même que le petit enfant avec ses «pourquoi» n’en finit pas de questionner les adultes jusqu’à les réduire au silence, chaque individu au cours de son existence se heurte à l’incompréhensible, à l’irrationnel, à l’insensé, à la déraison. Ainsi en va-t-il :
- lorsque survient l’évènement d’une maladie dont les symptômes envahissent sélectivement un corps (tel tissu, tel organe, tel type de cellules, à droite ou à gauche…) à un moment donné de sa ligne de vie dans des circonstances déterminées.
- au cours de l’épreuve de multiples sensations lorsqu’un corps, possédé par des affects incandescents (expériences du rêve, du double, de l’inquiétante étrangeté, du déjà vu, de la culpabilité, de l'angoisse…), devient le protagoniste obligé d’histoires extraordinaires.
- dans les comportements incompréhensibles (exemple des somnambules) ou déraisonnables (exemple de choix professionnels ou amoureux) les décisions irrévocables qui engagent la vie (exemple de l’anorexique).
- dans l’impossible réalisation de désirs fondamentaux (par exemple: vouloir ou ne pas vouloir un enfant).
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dans ces productions étonnantes : inventions et découvertes scientifiques (par exemple en mathématique), créations en tous genres : chorégraphiques, musicales, picturales, littéraires, philosophiques... qui recèlent, dans leurs expressions singulières, toute la raison d'être et de vivre d'un corps. Appendice II et chapitre 6 du livre
Autant de manifestations en chacun de nous, jusque dans nos actes les plus quotidiens, d’un «plus fort que soi». En effet, un corps humain a des «raisons» (d’être, d’agir, de produire sa vie, de penser…) que la raison ne connaît pas. L’énigme qui est au cœur de ces «raisons» résiste aux théories explicatives, aux interprétations fondées sur les méthodes et connaissances rationnelles spécialisées trandisciplinarité. Car un corps humain, avant d’être un objet d’étude, est un évènement - qui reste pour lui-même une énigme - comme le point singulier d’une histoire complexe et «incorporée», le plus souvent ignorée ou méconnue. Il faut, en effet, passer toujours par une histoire pour tenter d’appréhender ces raisons. Car il ne s’agit plus seulement d’expliquer des phénomènes apparemment insensés mais de proposer à partir de nombreux indices des hypothèses sur les rapports entre les évènements présents et passés de cette histoire. Essayer d’en comprendre la logique admirable c’est dévoiler par là même, au moins partiellement, l’énigme qui les fonde.
Et seul un corps, en dernière instance, peut fournir la preuve de ce dévoilement. Réconcilié avec sa propre histoire et refusant désormais d’en être le jouet, il en est profondément transformé (par exemple l’acte de pardonner comme évènement libérateur)
espace-temps - généalogie - mathématiques - mémoire - Ch. 7 et Conclusion II-III du livre