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Transdisciplinarité - Pratique transdisciplinaire

Dépassant le dualisme de fait entre le somatique, objet d’expérimentation d’une médecine hyperspécialisée dans le traitement des symptômes  et le psychique, terrain privilégié de multiples thérapies de type psychologique ou psychanalytique, J.Bastien invente une pratique transdisciplinaire qui se distingue fondamentalement des approches interdisciplinaires (par ex la psychosomatique) ou pluridisciplinaires.

En effet, un corps (et non pas le corps), celui d’un patient, devient pour elle un champ unique et singulier d’expérimentation de nombreuses disciplines et recherches (mathématiques, physiques, biologiques, psychologiques, socio-historiques, philosophiques, culturelles…). Loin de se transformer en outils théoriques d’interprétation par l’analyse et l’explication, ces disciplines lui permettent, pour chaque patient, de faire des hypothèses (par ex à partir des modèles de l’espace-temps, de la mémoire…) qui sont les chemins de rencontres (cf la notion d’isomorphisme utilisée par B.Nicolescu) pour parvenir à une synthèse c’est-à-dire à la compréhension de la réalité vécue d’un patient dans des circonstances et un temps donnés.

« Pour définir ce travail de transdisciplinarité, c’est dans la pratique qu’on peut le faire, apporter des hypothèses pour chaque patient. Chaque discipline possède ses théories, mais quand on travaille avec plusieurs disciplines, on ne peut pas se servir de théories, on ne peut faire que des synthèses, des coordinations. La synthèse part d’hypothèses…pour arriver par une suite de déductions à celles qu’on veut établir. L’opération est inversée par rapport à l’analyse qui décompose alors que la synthèse apporte des solutions réelles. » (J.Bastien)

Nombre de médecins, de thérapeutes, de patients  se sont demandé et nous ont demandé pourquoi J.Bastien n’avait jamais transmis les données théoriques et pratiques de son expérience, comme s’ils désiraient en tirer de suite les bénéfices, un savoir-faire, sans passer par les exigences, au double point de vue épistémologique et clinique, d’une transformation fondamentale de leurs manières de faire et de penser. Ils confondent par exemple fréquemment la pratique de J.Bastien avec celle des psychanalystes ou des psychogénéalogistes.

Ces demandes révèlent, paradoxalement, une méconnaissance et une incompréhension significatives des principes que nous avons évoqués précédemment (L’Essentiel : en résumé : Les découvertes deJ.B –diaporama 33) et qui sont au fondement de cette remarquable expérience. En effet,  ces principes qu’elle nous a instamment incité à transmettre, ne peuvent jamais se ramener à une méthode «générale» (comme le manuel du bon praticien) permettant d’interpréter à partir de savoirs théoriques spécialisés (de type bio-physique, psychologique, psychosomatique,  neurologique, cognitivo-comportemental, généalogique…), de nosologies ou de diagnostics préétablis, le vécu éminemment  singulier d’un patient.

Interpréter n’est pas comprendre. C’est toujours le parti-pris nécessaire de la connaissance qui se fie à une théorie pour expliquer les phénomènes [Cf. G.Deleuze : «interpréter c’est notre manière moderne de croire», M.G. Edelman : «une théorie n’est pas une preuve, c’est une manière de voir les choses»]. Or, la pratique clinique de J.Bastien est fondée sur cette exigence première de compréhension. Car le problème pour aider ou soigner un patient ne consiste pas à proposer voire à imposer des interprétations, mais à le respecter et cela dans tout ce qu’il exprime : ses paroles, ses comportements, dans tout ce qu’il produit : ses affects, ses symptômes, ses rêves… Car il manifeste ainsi une intelligence, une logique d’une finesse et d’une précision inouïes qui s’inscrivent dans une histoire singulière des familles. J.Bastien était en admiration en découvrant cette logique à l’œuvre chez ses patients ( par ex. elle considérait les enfants «à problèmes» souvent incompris comme «très intelligents»). Aussi, respecter chaque patient c’est «faire le vide», entrer dans son monde non pas pour se mettre à sa place ou par empathie consciente ou inconsciente (cf. les phénomènes de transfert ou de contre-transfert) mais pour appréhender, au travers de toutes ces expressions, un champ d’expérimentation à nul autre pareil.

Ce «monde aux sept merveilles» exige d’être abordé à partir de multiples données de connaissances (bio-physiques, psychologiques, socio-historiques et culturelles) qui permettront, pour résoudre l’énigme qu’il pose, d’y découvrir des indices, de formuler des hypothèses, de découvrir les rapports de l’ensemble, «voir tout le système» où chaque élément prendra sa place dans une synthèse au plus près de la réalité vécue du patient. En faisant l’expérience de cette compréhension, il reste le seul juge de la valeur et de l’efficacité  d’une telle pratique pour sa propre transformation. Il est, en dernière instance, le maître qui forge l’apprentissage et l’expérience du thérapeute. «Je remercie mes patients qui m’ont tant appris» (J. Bastien).

Hors institution, hors normes, J.Bastien n’a jamais eu de disciples, n’a jamais fondé d’école ou de chapelle. Elle a toujours refusé d’enseigner une théorie, de transmettre une méthode. C’est pourquoi nul n’a le droit de se réclamer de son nom - ce qu’elle refusait absolument - pour essayer de l’imiter dans une pratique thérapeutique. Tout au plus chacun peut s’en inspirer, car ce chemin expérimental, cet art des synthèses, est profondément différent  pour chacun d’entre nous, pour chaque patient. C’est pourquoi - et ce fut l’argument sans cesse invoqué par J. Bastien - il est impossible  d’en faire la théorie,  de le réduire à une méthode, à un objet d’enseignement . Mais pour saisir l’importance et l’évidence de cet argument, il faut avant tout expérimenter la puissance heuristique étonnante des principes évoqués précédemment. Ce sont eux qui, en dernière instance, permettent de comprendre l’expérience uniquede chacun d’entre nous, de chaque patient : l’histoire incomparable de cet évènement singulier qu’est un corps humain en descirconstances et un temps donnés. B.Nicolescu    icone-livre.gifIntroduction, Appendice II et Conclusion du livre